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LA FLANDRE
Les formalités prescrites par la loi sur la propriété littéraire ont élé remplies.
N° 47 C
FLANDRE
REVUE
DES MONUMENTS D'HISTOIRE ET D'ANTIQUITÉS
DIRECTEUR
EMILE VANDEN BUSSCHE
ANNÉE 1883
BRUGES Typo-Lithographic mécanique de DAvELUY
M. D. CCC. LXXXIII.
HARVARD COLLEGE LIBRARY INGRAHAM FUND à ni Sins
PHILIPPE LE BEL
ET
GÜI DE DAMPIERRE
CAUSES ET DÉBUTS DE LEURS CONFLITS
(ANALYSE DES DOCUMENTS DIPLOMATIQUES DE 1294-1297)
« J'ai pour principe de ne jamais récuser Ja bonne foi d'un adversaire avec qui je consens à discuter. Je ne crois pas que ce soit une facon victorieuse de lui ré- pondre que de lui crier : « Allons donc! vous ne croyez pas un mot de ce que vous dites! » 11 faut tcujours. quand on cngage un debat, partir de cette idée, que la personne en face de qui l'on se trouve cst sincere; que, sielle sontient une cause, c'est qu'elle la juge bonne; et que, si elle apporte un argument, c'est qu'elle le croit vrai, sensé ct valable.
« Et ccpendant !.….. Qui, il y a des occasions où il faut véritablement se tenir a quatre pour a oir l'air de pren- dre au sérieux des objections qui semblent tenir ou de l'extravagance la plus pure ou de la plus évidente mau-
vaise foi » FRANCISQUE SARCEY.
On se recriera tant qu'on voudra, mais il est incon- testable que, jusqu'ici, il n'a pas été fait une relation récllemeut impartiale des événements qui marquèrent la fin du règne de Gui de Dampicrre et auxquels les anna- listes consacrent généralement un chapitre spécial, intitulé: La querre des Flandres.
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Pas un de nos écrivains nationaux n'a su dire la vérité au sujet de ce prince, malheureux, soit, mais pour le moins autant à blâmer qu'à plaindre.
Tout ce qu'on a écrit jusqu’à ce jour a été emprunté, soit aux légendes, soit aux chroniques, mais surtout à la protestation que Jean Brantin, procureur de Gui de Dampierre, écrivit par ordre de son maître, et qui fut lue solennellement, le 25 janvier 1297, après vépres, dans le chœur de St-Donatien et en présence de nom- breux témoins, par Michel, chanoine de Soignies.
Or, cette protestation n'était pas évangile, et plus tard, quand elle arriva à Rome, le pape Boniface VIII, se plaignant de la défeclion du comte de Flandre, n'y donna aucune suite; preuve qu'elle exagérait les faits ou les dénaturait.
Il en est de même de l'appel au Saint-Siége, interjeté le 7 mai 1297, dans l’enclos de l'hôpital d'Audenarde, par devant notaire et en présence de maître Oudard de Saint-Quentin, official de l'évêché de Tournai, par Walter Rogher, dit Walo, procureur de Robert de Béthune.
Ces deux documents ne sont du reste qu'une variante du message que les abbés de Floreffe et de Gembloux portèrent à Paris, quelques jours après le traité, conclu le 7 janvier 1997, entre Gui de Dampierre et le roi d'Angleterre. Ce messages était une œuvre hypocrite, qui na, au point de vue de la vérité historique, qu'une médiocre valeur; sans doute celui ou ceux qui l'écrivirent ne prévoyèrent pas que d'autres documents pourraient être conservés et servir, dans la suite des siècles, de termes de comparaison pour détruire leur long requisitoire.
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Il faudra cependant finir par exposer les faits sous leur vrai Jour.
C'est afin de coopérer à ce travail de rectification que nous donnons ci-après, dans l'ordre chronologique, l'analyse succincte de tous les documents authentiques importants qui appartiennent à cette période de notre passé, et qui, bien mieux que les chroniques et les légendes peuvent non-seulement nous montrer les choses sous leur aspect véritable, mais aussi nous faire con- naître les faits et gestes de Gui de Dampierre, ce prince « que l'histoire accuse de s'être montré, dès le commen- cement de son règne, ambitieux et avide », dit M. Kervyn*, « trop bon et trop mou », ajoute M. E. Varenbergh#, et que le Religieux de Saint-Maur va jusqu'à accuser de lâcheté *.
Le mot est trop fort, pusillanimité vaudrait mieux.
Oui, pusillanime et complètement incapable de tenir tête aux orages qu'il suscita lui-même par ses irrésolu- tions et son étourderie, tel fut le successeur de Ferrand de Portugal au comté de Flandre. Aussi faible de caractère que capricieux, 1l se laissa berner par le roi d'Angleterre, qui le « roula » exemplairement, après lui avoir fait toute espèce de promesses. |
Dans notre commentaire sur le poême de Guiart ‘
1 KERVYN DE LETTENHOVE. Histoire de Flandre, t. 1 (époque com- munale) de la {re édition, page 351.
% Histoire des Relations politiques entre la Flandre et l'Angleterre. Chap. VIN (dans le Messager des sciences historiques, année 1870), p. 285.
3 L'art de vérifier les dates des faits historiques. Edition de 1818, t. XIII, page 326.
# Publié dans La Flandre, t. XIII, page 11.
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nous disions : « Les événements dont notre pays fut témoin sous le règne de Philippe le Bel, roi de France, prirent leur origine réelle, en 1294, dans le fait du mariage projeté de Philippine, fille du comte de Flandre, avec le fils aîné du roi d'Angleterre, Edouard F. »
C'est donc de celte année que nous devons partir.
Ces pages peuvent être considérées en quelque sorte comme la préface d'un autre important travail que nous ferons paraître sous le titre : Les RÉTROACTES DE LA BATAILLE DE GROENINGHE et qui se divisera en deux parties distinctes :
I. La Flandre et particulièrement Bruges, sous les « Gouverneurs-Lieutenants du Roy ».
Il. Les atines brugeoises et la bataille de Groeninghe.
Il comprendra exclusivement des documents extraits de divers dépôts publics ou privés d'archives, et concer- nant les personnages qui se sont trouvés méêlés aux événements de l’époque.
À ceux qui nous demandent quel historien nous avons pris pour guide, nous répoudons : aucun. Les actes sont là, irréfutables dans leur brutale vérité, avec leurs dates qui se suivent rigoureusement et nous donnent l'enchaîne- ment naturel des faits sans soubresauls et sans secousses.
Nous serons sobre de commentaires, car les docu- ments parlent assez haut par eux-mêmes. Nous aurons soin aussi d'indiquer nos sources avec exactitude; le cas échéant, nous publierons en entier les pièces peu con- nues et surtout les documents inédits, que nous sommes parvenu à nous procurer.
Il résulle d'un acte dont nous donnons plus loin l'indication (31 août 1294), que les premières négociations du mariage de Philippine de Flandre furent engagées, vers le milieu de 1293, par Guillaume, comte de Pem- broke, et Antoine, évêque de Durham, envoyés du roi d'Angleterre.
Avant 14293 il y eut peut-être des démarches faites, mais il n'en est point resté de traces dans les archives de l'époque. — M. E. Varenbergh *, prétend que la de- mande d'Edouard remonte à 1280, mais que le projet fut abandonné.
Quoi qu'il en soit, le premier acte authentique relatif à ce projet de mariage princier, ne date que du 20 juin 1294.
I. 1294, 20 juin. — Par lettres datées de Westminster, Edouard, roi d'Angleterre 6, donne à l’évêque de Durham pleins pouvoirs pour conclure le mariage du prince Edouard, son fils et son héritier, avec Philippine, « fille du très-noble homme » Gui, comte de Flandre, marquis de Namur ?.
5 Ouvrage cité, p. 291. « Philippine étant l’avant-dernier enfant du second mariage de Gui de Dampierre. Dès l'an 1280, le roi d'Angleterre la fit de- mander pour son fils, le prince de Galles. »
6 Le roi d'Angleterre était alors Édouard, dit aux longues jambes, ler de la maison des ducs de Normandie, mais IVe dans la suite des rois, depuis l'origine de la monarchie. Il commença son règne en novembre 1272, mais ne fut couronné que le 19 août 1274.
7 VREDIUS. Genealoyre comitum Flandriæ pars secunda. Preuv., p. 138.
1883 2
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Il est donc hors de doute que l'initiative de cette demande en mariage fut prise, non par le comte de Flandre, mais par le monarque anglais. Ceci est reconnu par d'autres que nous.
D'ailleurs, en admettant que ce mariage fut dans les vœux de Gui de Dampierre et des gens de sa cour, il uen est pas moins certain que cette démarche, faite par le roi en ce moment, dut causer, dans ce que nous appelons « les régions du pouvoir », une réelle surprise; tout le monde, à Bruges et en Flandre, pouvait par- faitement prévoir quelles seraient pour le comte les suites immédiates d'une pareille alliance. C'était la brouille avec Philippe le Bel; brouille peu désirable, après tout, et que les Brugeois ne souhaitaient nullement, car, quoi qu'on en dise, les Flamands d'alors, n'étaient pas hostiles à Ja monarchie française. Au contraire, ils reconnaissaient en toute circonstance, l'autorité souveraine du roi de France, qui était pour eux une garantie contre les con- voilises du comte et ses envies de détruire ou d'amoin- drir leurs priviléges séculaires. (Ce que ce dernier avait du reste déjà tenté, après l'incendie de la tour des Halles, de Bruges.) Le 95 mai 1981, Philippe le Hardi, le prédécesseur de Philippe le Bel, avait même accordé aux Brugcois une nouvelle charte, que Gui de Dampierre leur avait jusque-là toujours refusée, malgré leurs plus vives instances ?.
8 Voir la note 5 qui précède.
9 Un arrèt du roi, aussi de l'année 1281, ordonne au comte de Flandre
de ne faire aucune opposition aux bourgeois de la ville de Bruges qui veulent recourir à Ja juridiction royale. BEUGNOT. Les Olim, t. Il, p. 174.
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Non! les Flamands du commencement du XIV® siècle n'avaient contre la France aucun grief, ct cette opposilion patriotique et nationale contre l’« Etranger », qu'on se plait aujourd'hui à attribuer aux bourgeois et au peuple d'alors, est une invention qui n'a aucune base historique. Comment cette opposition aurait-elle existé? — La féodalité avait tout absorbé et le sens réel du mot « nation » n'était pas même connu.
Gui de Dampicrre u'ignorait pas cela, mais il est permis de supposer qu'il n'attacha pas grande importance à l'opinion que pouvait avoir la bourgeoisie et le peuple; évidemment c'était une affaire entre lui ct le roi d'Angle- terre; quelque chose comme une question de famille, rien de plus.
Après tout, il n'y a pas là de quoi s'étonner. Certes, on n'était plus alors en plein moyen-àge, mais bien des préjugés subsistaicnt encore. Les princes se brouillaient et se battaient entre eux, soit pour défendre ou agrandir leur patrimoine, soit pour contenter leur ambition guer- rière ou assouvir leur vengeance, sans que pour cela ils fussent suivis par leurs sujets. Leurs armées se com- posaient en grande partie de mercénaires ou d'hommes fournis par les amis ou les princes du voisinage, et ceux qui se battaient pour eux s'inquiétaient généralement peu du but réel de la guerre ou du résultat que celle-ci pouvait avoir, pourvu qu'on les payät. Quant au peuple, n'y ayant aucun intérêt, il ne prenait aucune part à ces conflits. Aussi, nous verrons les Brugeois se désintéres- sant de la lutte entre Philippe le Bel et Gui de Dampierre aussi longlemps que leur ville ne fut pas exposée.
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Mais cela n'empêche que les « gens de métier » de ce temps, qui devinaient bien plus facilement que le peuple de nos jours, les arcanes de la politique, durent être, comine uous le disions tantôt, fort surpris de la démarche du roi d'Angleterre, et certes ils s'attendaient à voir Gui de Dampierre refuser.
En effet, monarque expert en cette sorte de roueries que deux cents ans plus tard Machiavel érigea en système, Edouard, en sollicitant pour son fils la main de la fille de Gui de Dampierre savait bien ce qu'il faisait et où il allait. Il était alors en guerre avec le roi de France et, en vertu des obligations qu'imposaient les lois et usages de la féodalité, le comte de Flandre, grand-vassal de Philippe le Bel, ne pouvait donner sa fille sans le con- sentement de ce dernier, son seigneur.
Edouard, par cette demande d'alliance meltait donc Gui de Dampierre et ses chevaliers de son côté contre le roi de France; ce qui allait être pour ce dernier un embarras de plus, dont Edouard devait inévitablement profiter, puisqu'il faisait la guerre de l'autre côté du royaume, bien au loin, entre La Rochelle et Bayonne.
Aussi, le comte de Flandre, si peu clairvoyant qu'il füt, hésita d'abord; mais entrevoyant peut-être la possi- bilité de se venger indirectement du roi de France qui, dans la question du comté de Hainaut, l'avait abandonné pour lui préférer Jean d'Avesnes, il consentit à entamer des pourparlers au sujet de ce mariage.
Pendant ce temps Philippe le Bel, parfaitement tenu au courant de l'affaire, prenait vis-h-vis de Gui de
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Dampierre une détermination qui était à la fois un acte
de suzeraimeté ct un avertissement.
IT. 1294, 12 juillet. — Le roi de France renouvelle l'ordre, déjà une fois donné au comte de Flandre, de faire surveiller activement Jes côtes et les ports de son comté, afin de mettre obstacle à l’exportation en Angleterre d'armes, de chevaux ou de vivres, ct d'empêcher des hommes du pays de se mettre au service de cette puissance !.
Gui de Dampierre était rigoureusement tenu d'obéir à cet ordre; c'était une de ces multiples obligations qui haient le vassal envers le suzerain.
Cependant il n'en fit rien, comme on va le voir, et joua ainsi ostensiblement le jeu d'Edouard. C'est ce que voulait le rusé monarque anglais.
Comme les hésitations du comte de Flandre avaient duré peu de temps, les pourparlers du mariage ne se prolongèrent pas non plus; Gui accorda la main de sa fille.
Mais 1l fallait le consentement de celle-e1.
On attendit ce éonsentement pendant plus de six semaines, l'évêque de Durham ne put apporter à Londres une réponse définitive que vers le milieu du mois d'août.
Remarquous en passant que l'adhésion de Philippine ne fut pas donnée par un écrit émanant directement de la princesse; au contraire, on procéda d'une façon tout-à-fait insolite et peu conforme aux usages du temps, comme le prouve la pièce suivante.
10 Archives de l'Etat, à Gand. Chartes des comtes de Flandre, No 730. D'après la déclaration de M. J. de Saint-Genois, celte pièce fut copiée pour la Commission des Records, de Londres.
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IT. 1294, 10 au 13 août. — Testimonial donné par six témoins, Roger de Ghistelles, sire de Couckelacre (Kokelers); frerc Foulques, de Gand, gardien de l'ordre des Frères- Mineurs, en Flandre; frere Jean « del Ausnoit », du méme ordre, à Bruges; frere Jean de Menin, de l’ordre de Prémontré, chapelain de la comtesse de Flandre, et Marie de le Val, dame de l4 cour de cette princesse. Ils déclarent qu'ils furent présents lorsque « damoiselle Philippine déclara consentir à son mariage avec le prince Edouard, quand, se Dicu plaisoit,
elle saroit venue en aige souflisant pour marier ».
Ceci prouve d'abord que Philippine n'était pas encore nubile quand elle fut promise, en 129%, au prince Edouard.
Nous avons lu et relu attentivement celte pièce et n'avons pu nous empêcher d'observer combien elle s'écarte des traditions et des procédés diplomatiques de l'époque; le texte, en dépit d'un luxe de déclarations positives tout au moins sunerflues, trahit une contrainte réelle et laisse le champ bre à toutes les suppositions.
Le contrat suivit de près l’assentiment, volontaire ou forcé, de Philippine.
Nous disons volontaire ou forcé, car, en définitive, | pourquoi cette attestation émanant de ticrees personnes, alors que la fille de Gui de Dampierre cut pu si facile- ment faire sa déciaration elle-même, par un acte dressé conformément aux usages de la chancellerie d'alors ?
Cela semble d'autant plus extraordinaire que, à part
1 VRenius. Genealogie Comitum Flandriæ pars secunda. Preuv., p.t5s.
Cetacte est daté ainsi : » Ki furent faites en l'an de grasee mil deus cens quatre-vins », sans indication de jour, mais l'évêque de Durham quitta Bruges, le 14 août, et il était porteur de la pièce.
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le traité ou contrat, il n'existe aucune pièce ayant directement rapport avec le mariage — les fiançailles si l'on veut — du prince de Galles et de la princesse de Flandre,
IV. 1294, 31 août. — Traité de mariage entre Philippine, princesse de Flandre, et le prince Edouard, d'Angleterre; conclu à Lierre, par Antoine, évèque de Durham, et Guillaume, comte de Pembroke, au nom du roi d'Angleterre, d'une part; Roger de Ghistelles, chevalier, Jean de Menin, et Jacques de Aqua, délégués du comte de Flandre, d'autre part ‘?.
Le comte sengageait à donner à sa fille une dot de 200,000 livres tournois, payables en quatre fois, savoir : 50,000 le jour du mariage, autant à la fin de l'année pendant laquelle le mariage aurait été conclu, la même somme à la fin de l'année suivante, ct les 50,000 der- nières livres à la fin de la deuxième année.
Le roi de son côté constituait à Philippine comme douaire, le comté de Ponthieu.
Relevons encore dans ce contrat une particularité qui donna lieu plus tard à un joli tour de la part du roi d'Angleterre. Une clause portait que le comte de Flandre aurait le droit de déduire de cette somme de 200,000 livres celle de 100,000 livres que lui devait le comte Renaud de Gueldre, de qui Edouard était le débiteur pour une somme égale.
On sait ce qui arriva après la signature de ce traité.
S'étant rendu à Paris pour assister à l'assemblée des
#% Archives du département du Nord, à Lille. 2e cartulaire de Flandre. Pièce No 260. — Archives de la ville de Bruges. Groenenbouck C, fe 4.
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barons, Gui de Dampierre fut arrêté avec ses deux fils.
La date exacte de l'arrivée de Gui à Paris n'est pas connue, mais on sait que sa caplivité dura jusqu'au mois de février suivant. Donc, en supposant quil fut arrété quinze jours après la conclusion du contrat, — vers le 20 septembre, dit M. Kervyn — il ne fut éloigné de la Flandre que pendant cinq mois ct quinze jours tout au plus.
Depuis la fin d'août 129% jusqu'au mois de février 1995, il ne se passa absolument rien de très-important; le comte de Flandre et ses deux fils étaient logés au Louvre et, selon toute probabilité, pendant leur absence, la comtesse Isabelle tint les rènes du gouvernement. Toutefois, il ne reste d'elle aucun document ayant quel- que importance au point de vue politique.
Maintenant, notons une chose assez étrange : Gui de Dampierre, quoique retenu à Paris, posa des actes d'ad- ministraltion et fit usage de son scel. On possède de lui plusieurs lettres, données entre le 30 octobre 1294 et le À mars 1995. Comment se peut-il que ce fait n'ait pas été fixé, et que deviennent après cela les tirades larmoyantes sur la dure captivité du comte de Flandre ? Il nous semble qu'il faut en rabattre.
Quoi qu'il en soit, les actes existent et il est incon- testable qu'ils furent donnés, datés et scellés à Paris ‘.
13 Archives de Courtrai. Chartes (Invent. de Mussely), t. I, p. 83, No XII. — Acte du 31 octobre 1294. — On le trouve imprimé, mais fautivement dans le recueil des Placards de Flandre, t. 11, p. 47.
Archives d'Ypres. Chartes (Invent. Diegerick), t. I, p. 139, No CLXV.— Quittance de la taille d'amortissement de biens tenus du comte, acquis par
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V. 1295 (au commencement de février). — Robert, comte de Nevers, et ses frères Guillaume et Philippe, prennent vis-à-vis du roi de France l'engagement solennel, « sub pena corporum », en présence de Jean de Acon, bouteiller de France, deux archevéques, six évêques et autres témoins, de lui étre fidèle et de renoncer à toutes alliances avec le roi d'Angleterre ou autres ennemis de la France ‘!,
Ce document est la pièce capitale de toute cette période; c’est la fin du premier acte des intrigues sus- citées et si habilement menées par Edouard.
En dhsant attentivement les cinq pièces que nous venons d'indiquer, on n'a pas de peine à se convaincre que Philippine, dans toute cette affaire, ne fut quun instrument inconscient. Le monarque anglais ne désirait le mariage de son fils avec la fille du comte de Flandre que par combinaison politique, dans le but d'être désa- gréable au roi de France et de susciter à ce dernier des embarras, dont lui seul, Edouard, devait avoir tout le bénéfice.
les bourgeois d'Ypres, du 4 novembre 1295. — Imprimé dans WARNKŒNIG (Gheldolf), t. V, p. 409.
Archives de l’abbaye de Saint-Nicolas, à Furnes (Chronicon el cartula- rium abb. Sancti Nicolai Furnensis), p.229. Approbation de la vente de la dime de Stavele. 27 novembre 1294.
1# Cet acte, dont l'original est en latin, est contenu dans le procès-verbal authentique de la conférence de Courtrai, dressé le 18 février 1297, par Jacques Marsilii de Guartino, notaire apostolique du diocèse d’Alatri, conservé aux Archives du département du Nord, à Lille. Il ne porte pas d'indication du jour, mais la chronique française anonyme, No 14,564 du catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne, contient une copie de ces lettres avec la date : « Fait à Paris, le samedi après le Candelier, en l'an de nostre Seigneur M.Ue HE XIII ». Ce qui serait alors le 5 février 1295.
KERVYN DE LETTENHOVE. Histoire de Flandre, t. I, pp. 391 et 576 (en latin). J.-J. DESMET. Corpus chronicorum Flandrie, t. IV, p. 452.
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À la suite de ce solennel engagement des trois frères, le comte Gui fut mis en liberté et reprit le chemin de la Flandre; mais, à peine réinstallé dans son palais, au lieu de chercher par tous les moyens de se rendre Philippe le Bel favorable et le fléchir (ce qui, vu les circonstances, neut peut-être pas été difficile), il agit comme s'il ne se fut pas senti engagé par l'acte que venaient de signer ses fils; 11 ne songe qu'à trouver le moyen de se tirer d'affaire par des détours, en attendant la force que lui a fait entrevoir Edouard. Mais comme la diplomatie n’est pas son fait, 1l commet faute sur faute et ne tarde pas à se heurter contre le caractère hautain, inflexible, despo- tique cet parfois froidement cruel du souverain français.
Dès ce moment, le débat va entrer dans une phase nouvelle; les Flamands de Flandre en général, ceux de Bruges en particulier, entraînés dans le mouvement, paieront cher les tergiversations et les balourdises de leur malheureux prince.
Gui, dans ces moments critiques, n'eut pas même assez de bon sens pour s’entourer de conseillers capables de le diriger dans cette affaire, qui devait lui coûter, à lui et aux siens des déboires de toute sorte, et à la Flandre beaucoup de vicissitudes.
Pourtant, 1l avait à sa portée des hommes d'une valeur réelle, dont l'expérience et la « moult grant preu- dhomie » lui eussent été d'un puissant secours; entre autres Guillaume de Straten, seigneur de Varssenaere, échevin du Franc, et un parent de ce dernier, Nicolas de Siraten, mais ce n'est que plus tard qu'il songea à
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uuliser les services de ces chevaliers. Plus tard oui, alors quil n'y avait plus rien à faire et que la fine fleur de sa noblesse flamande s'était tournée contre lui,
après la bataille de Bulscamp .
VI. 1295, 8 mai. — Le roi de France fait savoir au comte de Flandre que les gens de ce dernier, en dépit des ordres recus, non-seulement importent en Flandre des mar- chandises venant d'Angleterre, mais se permettent mème de molester les ofliciers du roi qui saisissent ces marchandises prohibées. Il prescrit au comte des mesures à l'effet de
punir ou de prévenir ces excès 16.
Aucune mesure réellement efficace ne fut prise par Gui de Dampierre ou par ses gens, pour satisfaire à ces ordres; du moius, les documents de l'époque ne men- tionnent rien qui puisse faire croire qu'il y fut satisfait. Quoique Philippe le Bel, pour obtenir une prompte exé- cution, eut envoyé à Bruges son clerc, Elie d'Aurillac, et Jean Arrode, bourgeois de Paris, il ne fut lu ni aux Halles, ni ailleurs, aucune ordonnance touchant la répres- sion des abus que le roi signalait.
Cette défense d'introduction et de vente des mar- chandises d'Angleterre n'était pourtant pas absolue;
15 Après la bataille de Bulscamp, Guillaume de Straten devint conseiller de Gui de Dampierre, deux fois il fut envoyé à Westminster pour conférer avec l'évêque de Durham et le comte de Pembroke au sujet des armements en Flandre.
Ce Guillaume de Straten, dont il est fréquemment question dans les ar- chives de Saint-André, était à la fois homme de guerre et homme de loi, chose assez rare pour l'époque. Il était fils de Richard de Straten, et de Marguerite de Rodes.
16 Archives de l'Etat, à Gand. Chartes des comtes de Flandre, No 760.
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Philippe le Bel avait accordé, sous certaines conditions, à quelques marchands de Florence et de Sienne la faveur de retirer du Brabant et de la Hollande des laines anglaises séquestrées, avec la faculté de les transporter et de les vendre dans toute l'étendue du royaume de France. Les gens de Gui ne tenaient aucun compte des droits de ces marchands; ils les molestaient et saisis- saient leurs marchandises, à tel point que les négociants étrangers de Bruges durent protester auprès du roi. Là-dessus, nouvelle intervention de ce dernier.
VII. 1295, 22 juin. — Le roi de France commande au comte de Flandre de faire mettre un terme aux vexations que ses gens suscitent aux négociants de Florence et de Sienne, et ordonne de rendre les laines saisies !?7.
Il résulte d'autres documents qui vont suivre (28 juin et 25 août) que Gui de Dampierre, ou du moins les officiers à son service, ne firent aucune attention à ce commandement et continuèrent à agir comme si de rien n'était.
Philippe le Bel y tenait cependant beaucoup; il eut même soin d'envoyer à Bruges un autre de ses clercs, Amaury (de Bernoto), pour expliquer le sens de l'ordon- nance et le contenu du privilége accordé aux Florentins et aux Siennois.
Mais, autre chose se passa encore : le comte de Flandre, se prévalant de certaine lettre, apportée par un courrier du roi de France à quelques bourgeois de
17 Archives de l'Etat, à Gand. Chartes des comtes de Flandre, N° 369.
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Gaud, avait fait arrêter ces dermers et séquestrer leurs biens, sous le fallacieux prétexte que ces bourgeois avaient conspiré contre lui, le comte. La cour royale saisie de l'affaire, décida que le fait n'avait aucun fondement.
Une mise en demeure fut de rechef envoyée à Gui de Dampierre.
VIII. 1295, 28 juin. — Le roi de France ordonne au comte de Flandre de faire mettre incontinent en liberté les bourgeois de Gand, injustement accusés d'avoir conspiré et que lui, le comte, avait fait arrêter ‘$.
Ces bourgeois furent en effet mis en liberté, mais très-tardivement et avec une mauvaise volonté évidente.
Tous ces agissements assez peu scrupuleux et fort mesquins n'eussent pas tiré à conséquence si l'on eût été en temps ordinaire, mais, à cause des tiraillements de l'époque, ils devaient avoir des suites graves, sans compter quiis piquaient au vif les officiers du roi; à tel point que le baïlli d'Amiens voulut faire citer le comte de Flandre, du chef d'avoir, lui et ses gens, désobéi aux ordres du monarque. Heureusement, Philippe le Bel intervint à temps sinon pour arrêter, du moins pour ajourner les poursuites.
C'eut été un curieux spectacle, en vérité, que de voir comparailre devant les juges royaux le fils de cette Marguerite de Constantinople, qui avait, lors de son avènement, refusé de faire hommage de la Flandre au roi Louis IX.
18 Archives de l'Etat, à Gand. Chartes des comtes de Flandre, Ne 771.
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IX. 1295, 14 juillet. — Le roi de France défend au baïlli d'Amiens de poursuivre le comte de Flandre, et lui enjoint d'attendre jusqu'à la prochaine fète de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste (29 août) ‘?.
Etait-ce de la magnanimité ou de la ruse ? Peut-être était-ce l'une et l'autre, quoique la magnanimité ne fût jamais la qualité dominante de Philippe le Bel.
N'importe, il n'y a pas le moindre doute à avoir, ‘tout prouve que Île roi se rendait parfaitement compte du mobile qui faisait agir le comte de Flandre, mais peut-être ne pensait-il pas que le moment füt venu pour faire sentir à ce dernier toute son autorité.
Le jour même où Philippe le Bel envoyait à Amiens les lettres ci-dessus, il octroyait aux négociants d'Écosse la faveur qu'il avait précédemment accordée aux mar- chands de Florence et de Sienne. Il fit aussilôt part de sa décision à Gui de Dampierre.
X. 1295, 14 juillet. — Le roi de France prescrit au comte de Flandre de protéger les marchands d’Ecosse, qui ont recu l'autorisation de faire librement le commerce dans . tout le royaume et surtout en Flandre; il lui ordonne de ne saisir ni arréter les biens de ces marchands ‘%.
Cette fois encore, le comte de Flandre ne donna aucune suite à l’ordre du roi. Même sur la réclamation du gendre de Gui, Hugues de Châtillon, comte de Blois et de Dunois, les biens de plusieurs négociants Ecossais
19 Archives de l'Etat, à Gand. Chartes des comtes de Flandre. No 773. 30 Mèmes archives. Chartes des comtes de Flandre, N° 772.
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furent saisis, parce que ledit Hugues et sa femme Béatrix se disaient créanciers du roi d'Ecosse.
S'il faut en croire les historiens français, qui se basent sur des documents de l'époque, en apprenant cette nouvelle « révolte », la colère de Philippe le Bel ne connut plus de bornes; 1l se répandit en menaces terribles contre Gui de Dampierre.
Et que faisait pendant ce temps le roi Edouard ? Un document va nous l'apprendre.
XI. 1295, 12 août. — Le roi d'Angleterre demande à Marie de Brabant, reine douairière de France, veuve de Philippe le Hardi, ainsi qu'à Jeanne de Navarre, des nou- velles de leur santé; il déclare que malgré les difficultés qui ont surgi il désire continuer avec elles ses bonnes relations ?!.
Dans l’entretemps, Philippe le Bel avait saisi le Parle- ment de la conduite de Gui de Dampierre à son égard. Dans un long mémoire il fait l'exposé de tous ses griefs contre le comte de Flandre, en rappelant suc- cessivement les fiançailles de Philippine, le refus de Gui
% « Et licet, huis diebus, aliquæ discordiæ sint subortæ, non tamen in- tendimus ergo personam vestram illustrem idcirco quicquam contentionis habere; quin nobis significare possitis, cum vobis placuerit, quæ vestræ fuerint placita voluntati. »
TH. RYMER et RoB. SANDERSON. Foedera, conventiones, litteræ et cujus cumque generis acla publica, inter reges angliæ et alios quosvis impera- tores, reges, pontifices, elc., ab anno 1101 usque ad nostra tempora. Londres, 1727-1335, 20 vol. in-fol. Towe II, p. 684.
2e édition, « ab anno 1066 usque ad nostra tempora ». Londres, 1816- 1830, 6 vol. in-fol. Tome F, 3e partie, p. 147.
3e édition, « ab ineunte sœæculo duodecima, vir. ab anno 1101 ad nostra usque tempora, elc. » La Haïe, 1745, 2 vol. in-fol. 3e partie, p. 147,
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de faire surveiller les côtes de la Flandre et la tolérance que montra ce dernier à l'égard de ceux qui importaient dans le royaume des marchandises prohibées. Il dénon- çait aussi les vexations contre les Florentins, les Siennois et les Ecossais; tous faits hautement blämables et prou- vant à l'évidence que le comte de Flandre tenait le part des Anglais, ennemis de la France.
Un arrêt intervint, à la suite duquel Gui de Dampierre (qui, une fois déjà, avait fait dans la personne de ses fils une première soumission, au commencement de février précédent) se soumit de nouveau, n'ayant pas le moyen de faire autrement. En effet, il voyait approcher la date fatale, fixée par le roi pour les poursuites du bailli d'Amiens, la fête de la Décollation de Saint-Jean-Bapuste, comme on se rappelle, c'est-à-dire le 29 août. Il préféra éviter ce « quart d'heure de Rabelais » redoutable et courba la tête.
XII. 1295, 25 août. — Le comte de Flandre fait amende honorable pour les désobéissances que le roi lui reproche, et donne pour gages de sa « féaulte », outre son fils Guillaume, Gui, comte de Saint-Pol et le seigneur d'Harcourt *?,
À la rigueur les douze pièces dont l'indication précède suffiraient pour donner une idée exacte de la faiblesse et du manque de caractère de Gui de Dampierre.
2? Archives nationales de France. Extrait des « Registres des arrêts rendus par la cour du roi, sous les règnes de saint Louis, de Philippe le Hardi, de Philippe le Bel, de Louis Hutin et de Philippe le Long ». Judicia, con- silia et arresta expedita in pallamento omnium sanctorium. Anno Domini
MCCXCV ». Publié par le comte BEUGNOT (Les Olim). T. I, p. 394%, xx.
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Disous en passant qu'il est pour le moins étrange qu'aucun de nos historiens ne fasse des commentaires sur ces faits. Il est vrai que de pareils actes ne sont pas précisement de nature à exciter la pitié en faveur d'un prince dont quelques-uns ont voulu faire une grande figure historique !
Et notons que la soumission de Gui ne fut pas une simple formalité judiciaire; d'autres documents prouvent que Philippe le Bel le contraignit à de bien rudes obligations.
Bientôt il va lui imposer le renouvellement de l'acte de foi et hommage « per traditionem cerothece », ct lui faire subir une surveillance humiliante et vexatoire.
XIIT. 1295 (entre le 25 août et la mi-septembre). — Par arrêt rendu « pro Domino Rege », le parlement donne au comte de Flandre l'ordre de ne rien faire au préjudice des cinq « bonnes villes » de Flandre qui avaient recu avec soumission les envoyés du roi. — Le comte promet de se soumettre à cet ordre *#.
Il s'y soumit en effet, car cette promesse fut portée à la connaissance des magistrats des « bonnes villes » en question.
XIV. 1295 (après l'acte qui précède, mais aussi avant le 1 octobre). — Le comte de Flandre ayant remis aux mains
33 Archives nationales de France. « Registres aux arrêts etc. » Tome I, p. 395, XXI.
La date de cet arrêt n'est pas exactement indiquée, mais en tenant compte du jour de l'arrêt qui le précède et de celui qui le suit, il y a moyen de fixer à peu près l’époque.
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du roi de France les cinq bonnes villes (Bruges, Gand, Ypres, Lille et Douai), ce dernier voulant lui faire grâce, lui restitue tout le comté, sauf la cité de Gand; mais en se réservant la faculté d'établir, selon son bon plaisir, dans chacune des dites villes un délégué chargé de contrôler les actes du comte *!,
Gui, dit le texte, « in manu domini Regis humiliter posuil possessionem bonarum villarum Flandrensium », et le roi « dicto comiti volent facere graciam, amovit manum suam de toto comitatu Flandrensi, excepta villa Gandensi, quam ad manum retinuit ».
L'arrêt continue : « Item, retinuit dominus Rex ponere et tenere, quamdiu sibi placuerit, in qualibet dictarum quinque bonarum villarum, unam personam idoneam ad videndum, sciendum et referendum qualiter dictus comes se habebit ».
Comme on le voit, il y avait entre eux, sinon la réalité, du moins l'apparence de ce qu'on appelle aujour- d’hui une certaine « détente ».
Mais Philippine était toujours « auprès du roi ». Cependant il ne faut pas croire pour cela que l'idée de son mariage füt abandonnée; au contraire, et, ici encore, l'astuce du monarque anglais n'a d'égale que la simpli- cité du prince de Flandre.
On se rappelle que dans le contrat du mariage en question 1l était stipulé que Gui de Dampierre aurait la faculté de déduire de la dot promise par lui (soit 200,000 livres tournois) une somme de 100,000 livres, à lui due
24 Archives nationales de France. « Registres aux arrêts, etc. » Tome I, P. 395, XXII.
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par Renaud, comte de Gueldre, et garantie par le roi d'Angleterre, qui était le débiteur de Renaud pour une somme égale.
Or, Edouard sollicita un jour le comte de Flandre de donner à Renaud quittance de cette somme de 100,000 livres; ce qui fut fait. Mais, lorsque Gui de Dampierre alla réclamer de son royal allié son argent, ce dernier fit la sourde oreille.
Comme 100,000 ‘livres tournois étaient une somme relativement énorme pour cette époque, Gui de Dampierre fut si fort marri de cette perte qu'il fut sur le point de sen prendre à Renaud; mais Edouard intervint par des lettres qui sont un vrai chef-d'œuvre de fourberie.
XV. 1295, 2 octobre. — Le roi d'Angleterre déclare que les cent mille livres tournois, dont le comte de Flandre a donné quittane à Renaud, comte de Gueldre, « seront plus tard décomptées des deux cent mille livres que Gui doit donner au roi Edouard, comme dot de sa fille Philippine, fiancée du fils de ce monarque » #5,
Gui de Dampierre commença-t-il à comprendre qu'il